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MUSECLIO

Résistance de la jeunesse allemande : La Rose blanche (Hans et Sophie Scholl)

21 Octobre 2007 , Rédigé par J.-V. Martineau Publié dans #Concours et club histoire

 

Le groupe de résistance La Rose blanche fut fondé au printemps 1942. Le 18 février 1943, Hans Scholl (25 ans) et sa soeur Sophie (22 ans) lançaient des tracts dans la cour intérieure de l’université de Munich lorsqu’ils furent dénoncés par le concierge. Livrés à la Gestapo, ils furent condamnés à mort, puis exécutés avec un de leurs camarades Christoph Probst, âgé de 24 ans.

 

 

L’arrestation de Hans et de Sophie eut lieu un jeudi ; le lendemain, mes parents en furent informés, d’abord par une de nos amies, puis par un étudiant inconnu qui nous téléphona. Ils décidèrent aussitôt d’aller les visiter en prison et de faire l’impossible pour alléger leur sort.

 

[...]

 

Personne ne s’était attendu à une telle précipitation ; nous apprîmes plus tard qu’il s’était agi d’une "procédure d’urgence ", les juges désirant faire un exemple en les envoyant à la mort le plus rapidement possible.

 

[...]

 

Quand mes parents pénétrèrent dans la salle, le procès touchait à sa fin. Ils entendirent presque aussitôt la condamnation à mort.

 

[...]

 

Entre temps, mes parents avaient obtenu le droit de visiter une fois encore leurs enfants. Une telle autorisation était d’ordinaire refusée. Entre quatre et cinq heures, ils gagnèrent la prison. Ils ne savaient pas encore que Hans et Sophie vivaient leur dernière heure.

 

Ils purent d’abord voir Hans. Il avançait dans ses vêtements de détenu, droit, sans lourdeur. Rien d’extérieur ne pouvait atteindre le fond de son être. Ses traits étaient tirés, sa figure plus maigre, comme après un dur combat. Son visage avait maintenant un rayonnement extraordinaire. Il se pencha par dessus la rampe qui les séparait, et leur tendit la main. “Je n’ai pas de haine. Tout cela est loin, loin de moi.” Mon père l’étreignit, et dit : “Vous entrerez dans l’histoire, il y a encore une justice.” Hans chargea mes parents de saluer pour lui tous ses amis. Quand à la fin il cita encore un nom, une larme coula sur son visage ; il se courba un peu, pour que personne ne la vît. Puis il s’en alla, sans la moindre peur, empli d’une profonde, d’une admirable ferveur.

 

Ensuite, une garde amena Sophie. Elle portait sa robe habituelle, et marchait lentement, calme, droite. (On n’apprend nulle part à marcher plus droit qu’en prison.) Elle ne cessait de sourire, comme si elle regardait le soleil. Elle prit avec plaisir les bonbons que Hans avait refusés.

 

“Ah ! très bien. Je n’avais pas encore déjeuné.” Jusqu’au dernier moment, son comportement fut une splendide affirmation de la vie. Elle aussi avait beaucoup maigri ; mais son visage reflétait une expression admirable de triomphe. Sa peau était fraîche, cela surprit notre mère, et ses lèvres, très rouges et brillantes. “Alors maintenant, dit notre mère, tu ne vas plus jamais rentrer à la maison... - Oh ! Quelques années, maman”, fit-elle. Puis, comme Hans, avec conviction, elle déclara : “Nous avons tout pris sur nous, tout.” Et elle ajouta : “Ça va faire du bruit.”

 

[...]

Les gardiens nous dirent :

 

“Ils se sont conduits avec un courage extraordinaire. Toute la prison en était bouleversée. Aussi avons-nous pris le risque-si cela s’était su, il nous en aurait coûté, - de les réunir tous trois avant l’exécution. Nous voulions qu’ils puissent encore fumer une cigarette ensemble. Ce ne furent que quelques instants, mais je crois que cela comptait beaucoup pour eux. - Je ne savais pas que ce fût aussi facile de mourir, dit Christ Probst. Et il ajouta : - Dans quelques minutes, nous nous reverrons dans l’éternité.

 

Alors, on les emmena, d’abord la jeune fille. Elle marcha dans un calme absolu. Nous ne pouvions pas comprendre que cela fût possible. Le bourreau avoua qu’il n’avait encore vu personne mourir ainsi.”

 

Et Hans, avant de poser la tête sur le billot, cria, d’une voix si forte qu’on l’entendit dans toute la prison : “Vive la liberté !”

 

D’abord il sembla que tout fût terminé avec la mort de ces trois victimes.

 

[...]

 

Bientôt pourtant, d’autres arrestations suivirent. Au cours d’un second procès, la Cour de Justice Populaire prononça un grand nombre de peines d’emprisonnement, et trois condamnations à mort, celles de Willi Graf, du professeur Huber et d’Alexander Schmorell.

 

 

Inge Scholl (1955), La Rose blanche. Six Allemands contre le nazisme, Les Éditions de minuit,

 

Paris, pp. 105-113.

 

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